Ce spectacle est aussi un incomparable traité d’art clownesque. Si les clowns n’ont que faire de voir élever leur savoir faire au rang d’Art, bientôt deux siècles se seront chargés de cette élévation. Issus de la lignée des personnages grotesques, nourris de la tradition des bouffons de la Comédie Italienne, les clowns sont nés dans la sciure des pistes du cirque. L’histoire, telle qu’on nous la conte, voudrait qu’un garçon de piste en état d’ébriété ait surgi hébété face au public, déclenchant son hilarité.

Si l’anecdote perdure, c’est peut-être qu’elle saisit l’extrême dénuement d’un homme qui placera cette mise à nu au cœur de son art. Le mythe fondateur du clown contemporain : un accident ! À partir de là, rien de permanent n’aurait pu être créé, sans l’œil avisé du directeur du cirque qui lui demandera de renouveler son fragile exploit ; faire rire à ses dépens. Et rien n’aurait pu s’épanouir sans le travail acharné de générations de clowns qui développeront cet art « de rater là où on vous attend » et «réussir là où on ne vous attend pas ». Curieux destin que celui de ce bon à rien qui se devra désormais d’être prêt à tout ! Et toujours cette présence désarmée, cette part d’inadapta- tion, cette capacité à semer le désordre... ce qui réveille la part d’enfance en chacun.

Que font les clowns à l’hôpital ? Ce qu’ils font dans les cirques, dans les music-halls, les théâtres ainsi qu’au cinéma... Renverser les valeurs ! « Ils sont le miroir comique de la tragédie et le miroir tragique de la comédie ». L’art des clowns est un art de l’humain. Au cœur de l’hôpital où sont prodigués les soins, son rôle consiste à prendre soin de l’humain ! Il met en jeu ses propres faiblesses – et par cette entreprise de dénuement qui le caractérise, il offre la possibilité de se montrer faillible. Le temps d’un jeu, tout pouvoir est remis en question, toute situation renversable, tout redevient possible... Il recrée la faille qui lui a permis de naître ! L’ambi- tion des clowns ? Faire rire, bien sûr... à la hauteur des tensions accumulées ! Dans le microcosme anxiogène de l’hôpital, sa présence prend alors tout son sens : exercer son art du dénue- ment et du sensible – qui n’est pas une fin en soi, par petites touches s’épanouissant dans le fracas d’un éclat de rire ou la complicité d’un regard, pour révéler l’humain. Les centaines de milliers d’heures passées par les comédiens du Rire Médecin au contact des enfants à l’hôpital sont le socle sur lequel est bâti ce projet. Pour comprendre la nature de ces rencontres, il faut connaître les fonctionnements exigeants et protecteurs mis en place pour permettre le travail des comédiens-clowns à l’hôpital. Il faut aussi s’immerger dans l’histoire de cette compagnie et ressentir l’intuition première qui présida à sa naissance. Voici l’occasion de plonger le public au cœur du processus, lui permettre de comprendre ce qu’est l’activation de la résilience... la vie avant tout !