Paroles des femmes

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© Picha

Entretien avec Fernande Munsha Sebelwa, Madeleine Mpala Kasongo, Chancelle Febi Kabu, Louise Ntoyo et Jean-Pierre Cabaso, un des deux chefs du village de Makwacha réalisé par Jean-Michel Champault, délégué général d’AAD (janvier 2014)

Quand les femmes de Makwacha ont-elles commencé à peindre sur les murs de leur maison ?
Jean-Pierre : Cela existe dans d’autres villages lamba en RDC, notamment dans ceux de la chefferie de Kaponda, et également en Zambie. C’est une tradition lamba qui avait tendance à se perdre. Avant, on peignait aussi sur les tombes et à l’intérieur des maisons.
Fernande : Nous peignons sur nos murs depuis toujours. Je suis arrivée à Makwacha en 1982 et déjà quelques maisons du village avaient leurs murs décorés. Tous les ans durant la saison des pluies, nos maisons de terre subissent des dommages considérables. Il y a de gros orages, la pluie et le vent causent des dégâts très importants. Les hommes doivent alors réparer nos maisons. Nous, les femmes, nous les aidons en enduisant nos murs d’une sorte d’argile blanche. J’ai toujours connu cette pratique que l’on nomme le « kuchiripa ». Quelques femmes embellissaient ensuite leur maison à l’extérieur avec des dessins ainsi que sur le sol intérieur de leur maison.

Depuis quand cette pratique est-elle connue à l’extérieur de Makwacha ?
Jean-Pierre : C’est Hubert Maheux, alors directeur de l’Institut français de Lubumbashi, qui a remarqué les peintures en s’arrêtant à Makwacha. En 2004, il a décidé de nous aider à faire connaître cette pratique artistique qu’il considérait comme très originale.
Fernande : Depuis nos rencontres avec Hubert Maheux puis avec le photographe Sammy Baloji, on a décidé de sensibiliser toutes les femmes du village à l’importance de peindre des fresques sur les murs de leur case pour embellir le village, même celles qui ne sont pas lamba.
Louise : Quelques-unes d’entre nous racontent sur leur mur ce qui s’est passé durant l’année écoulée, d’autres choisissent un motif pour décorer la maison et faire plaisir à la famille.

Qu’apporte cette pratique artistique à la communauté villageoise ?
Fernande : Cela nous a beaucoup apporté. Quand tu conduis et que tu traverses le village de Makwacha, si tu es curieux, tu t’arrêtes pour regarder nos peintures. Les gens de l’extérieur s’intéressent à nous. Ils achètent au village des produits des champs ou du charbon de bois. D’autres ont été également sensibles à notre travail artistique et ont décidé de nous aider. C’est ainsi que AAD a financé des forages pour que nous ayons de l’eau potable quelle que soit la saison. Avant à la saison sèche, il fallait faire des kilomètres pour trouver une eau très sale et la rapporter au village.
Jean-Pierre : D’autres ont décidé de financer la scolarité de 15 enfants du village.

Êtes-vous contentes d’aller à Paris ? Qu’attendez-vous de ce voyage ?
Fernande : Nous sommes très contentes d’aller à Paris. Nous n’avons jamais quitté la Province du Katanga. Pour nous, aller à Lubumbashi, c’est déjà un grand voyage alors aller à Kinshasa puis à Paris c’est difficile d’en parler car on ne sait pas ce que sera ce voyage.
Jean-Pierre : Ce voyage est important pour nous car nous souhaitons faire connaître Makwacha et nos peintures. Grâce à ces peintures, on a obtenu des améliorations pour le village et ses habitants. Grâce à AAD, on a de l’eau potable toute l’année. Avec l’eau potable, on a moins de maladies, surtout les enfants. D’autres étrangers ont vu nos peintures et ils ont également aidé le village. On voudrait développer le tourisme et avoir une case de passage pour accueillir les visiteurs.
Madeleine : Donc en allant à Paris, on espère faire connaître nos peintures car nous sommes des artistes qui espèrent apporter du mieux-être au village.

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8 -> 27 avril 2014
Exposition

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Makwacha

Cette exposition, organisée à l’initiative du fonds de dotation Artistes Africains pour le Développement (AAD) et sous le commissariat d’Hervé Di Rosa, présente pour la première fois l’art mural des femmes du village de Makwacha en République démocratique du Congo. Chaque année, les femmes peignent les murs extérieurs de leurs habitations. Ici, elles ont réalisé huit toiles qui témoignent de la force expressive de cet art. Nous vous invitons, au-delà de l’exposition, à une rencontre avec deux de ces femmes qui ont souhaité faire partager leur passion, leur art, leur culture.