Rester Libre !

Un entretien avec I-Wei Li et Pierre Bongiovanni, commissaires (juin 2014)

Entretien avec I-Wei Li et Pierre Bongiovanni, commissaires (juin 2014)

Pourquoi ce titre Schizophrenia Taiwan 2.0, pensez-vous que les Taïwanais soient plus schizo-phrènes que d’autres ?
I-Wei Li : Il est vrai que Taïwan réunit plusieurs des caractéris-tiques qui peuvent parfois conduire à des comportements irrationnels… C’est une petite île en face d’un immense « dragon », la Chine continentale ; c’est un pays technologiquement hyper-avancé, mais qui abrite seize tribus aborigènes implantées depuis plus de trois mille ans et qui conservent leurs cultures, leurs langues et leurs spiritualités ; c’est une identité chahutée par les différentes colonisations (européenne, japonaise, chinoise) ; c’est une région soumise aux conséquences des mutations climatiques (typhons et inondations).
Mais en réalité, ce titre vaut pour l’ensemble du monde occidental, Europe incluse, qui est traversé par les mêmes crises économiques, par les mêmes problèmes identitaires, par les mêmes questions démocratiques et qui doit finalement répondre aux mêmes défis.

Comment avez-vous choisi les artistes qui participent à cette exposition ?
Pierre Bongiovanni : Notre démarche curatoriale repose sur trois principes : la qualité des œuvres et leur sincérité, la manière dont elles communiquent entre elles, se questionnent et se répondent, et leur universalité, c’est-à-dire le fait que les enjeux de ces œuvres soient perceptibles par tous, amateurs ou experts, de culture asiatique ou occidentale.

Ces derniers mois ont été bouleversés par une importante série de mouvements sociaux à Taïwan, surnommés la « révolution des tournesols ». Que s’est-il passé ?
I-Wei Li : Ces manifestations témoignent de l’implication des jeunes Taïwanais dans les questions touchant à l’avenir de leur pays. Ils sont très préoccupés par l’emprise de plus en plus forte de la politique et de l’économie chinoise sur leur île et par la possibilité de rester libres, indépendants, démocrates. Des étudiants et artistes ont occupé le parlement pendant 186 jours, rejoints par de nombreux citoyens. Le mouvement n’était pas initié par un parti politique mais s’est créé de façon spontanée, un peu à la manière des Indignés. L’un des artistes, Li-Ren Chang, m’écrivait pendant cette occupation que « quelque chose a bougé, aussi peu perceptible que ce soit, mais profondément ». Ce mouvement a été suivi par de nombreuses manifestations partout dans le pays, par des actions contre l’injustice sociale et pour le maintien de la démocratie. Les réseaux sociaux ont joué un rôle important dans la propagation de ce mouvement qui continue à mobiliser la population.

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7 -> 19 octobre 2014
Exposition  /  Numérique  /  Vidéo

Schizophrenia Taiwan 2.0 Trailer

Schizophrenia Taiwan 2.0 Trailer

Schizophrenia Taiwan 2.0

Cette exposition propose la vision des schizophrénies contemporaines des sociétés occidentales par 14 artistes taïwanais : la crise économique, les corruptions de la démocratie, le vide politique, les mutations technologiques, le destin des êtres dans un monde mondialisé, les désastres humanitaires de l’immigration, la fascination du virtuel, le désarroi de la jeunesse, le terrorisme...