L'engagement citoyen en jeu… un terrain de "geek" ? Une mode ? Une transformation sociétale ?

Une question posée à Simon Bachelier, commissaire de exposition

Medium créatif et expressif, le jeu vidéo permet la création d’œuvres interactives capables de traiter de sujets d'actualités au même titre qu'un reportage vidéo ou qu'un article de journal, mais aussi de produire des récits autobiographiques à l'instar d'un roman, de fabriquer des instruments de propagande politique, des pamphlets militants sur l'environnement, des réflexions critiques sur la société, les alternatives économiques, le rapport aux autres, et bien d’autres sujets.

Il ne s'agit pas de dire qu'un jeu vidéo est l'équivalent d'un documentaire ou d'un livre sur le plan formel, mais qu'en termes de potentialité et de légitimité, il a toute sa place sur l'étagère des modes expressions, fussent-ils citoyens, politiques ou encore sociaux. La prise de conscience engagée des créatrices et des créateurs de jeux sur leur medium n'est pas si récente qu'elle n'y paraît, mais l'important développement des outils de création et diffusion de jeux mis à disposition sur internet depuis ces dix dernières années a permis une effervescence de production dans les scènes indépendantes.

Devenant accessible, le jeu vidéo permet à des minorités comme à des non-spécialistes, de s'en emparer pour créer des œuvres qui ne les ignorent plus - lire le manifeste Rise of the Videogame Zinesters de Anna Anthropy (2012). Le jeu vidéo s'est aussi découvert des modes d'expressions uniques, que les autres médias ne peuvent pas invoquer, comme l'ont théorisé certain-e-s auteurs et autrices et chercheurs/chercheuse dont Gonzalo Frasca avec September 12th (2003), ou encore Ian Bogost dans Persuasive games: The Expressive Power of Videogames (2007) et Mary Flanagan dans Critical Play: Radical Game Design (2009).

Cantonner le jeu à un terrain de "geek" ou de "gamer" serait une erreur d'analyse dans la réception publique des jeux vidéo en général. Un grand nombre de personnes joue quotidiennement sans se revendiquer de ces identités - très sclérosées par ailleurs - et progressivement le jeu vidéo sort de ses carcans traditionnels pour offrir à toutes et à tous des expériences plus spécifiques.

Il y a autant de types de jeux qu'il existe de formes de romans graphiques, de genres documentaires ou de styles musicaux, même pour un medium aussi jeune que le jeu vidéo qui connaît aujourd'hui une production underground et alternative aussi importante que la musique punk, rap ou hip-hop des années 70.

Cette exposition n’a pas pour prétention de couvrir l’intégralité du sujet, elle n’en est qu’un aperçu, des fragments notables vous introduisant aux scènes alternatives du jeu vidéo engagé, dont les œuvres ici présentées vous inviteront à jouer et à regarder jouer.

Simon Bachelier

 

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La Maison accueillera et exposera des jeux vidéo issus de différentes scènes alternatives internationales. Souvent connu comme le terrain d’apprentissage des codes guerriers, le jeu vidéo est aussi une scène d’expression artistique, sociale et politique, lieu possible de résistance aux grandes économies et miroir des enjeux contemporains. L’intimité des créateurs mais aussi celle des joueurs peuvent s’y croiser. Une invitation à jouer, rejouer et voir jouer le jeu vidéo sous différentes formes. Une exposition inédite, mais aussi une programmation événementielle originale. À vos jeux ! prêts ?